
Séminaire BIAS
Les images produites « par intelligence artificielle » avec des applications telles que Dall-E, Midjourney, Stable Diffusion ou Adobe Firefly ne sortent pas de nulle part : elles s’alimentent de larges masses d’images et de textes déjà produits, qu’elles reconfigurent et remanient. Pour comprendre le paradigme visuel sur lequel reposent les images générées, il est essentiel d’interroger la matière première qu’elles utilisent. Les sources convoquées pour l’« entraînement » des IA sont nombreuses : c’est presque la totalité d’Internet qui devient le training set. Ces systèmes sont alimentés par de vastes quantités de « text-image pairs ».
Nous nous intéressons à l’une de ces influences : les images de stock ou photographies de banque d’image (de type Corbis, Getty, Shutterstock, etc.). Elles constituent une ressource matérielle importante sur laquelle repose une grande partie de l’algorithmisation visuelle. L’intérêt des images de stock est qu’elles sont à la fois matérielles et symboliques par nature. En bref, notre thèse est que le fait même que les images de stock constituent la ressource matérielle sur laquelle repose une grande partie de l’algorithmisation visuelle a des effets symboliques sur cette même culture.
Les nouvelles images que l’IA est capable de créer portent en elles les mêmes canons visuels et les mêmes biais socioculturels que les images de stock.
Au cours de l’année 2024, nous organiserons quatre séances qui réuniront philosophes, artistes, cinéastes, théoriciens des images et de la culture visuelle. Il s’agira d’un séminaire itinérant, dans le sens où chaque séance se déroulera dans un lieu symboliquement lié à la thématique abordée.
Le 5 avril de 9h à 13h, dans la salle Vasari à l’INHA (2 rue Vivienne, Paris), nous inviterons Estelle Blashke, professeure à l’université de Bâle et l’artiste Jeff Guess. Cette séance, intitulée « Et si les images de stock dataient d’il y a cent ans ? » sera dédiée à l’archéologie des images de stock.
Le 24 mai de 9h à 13h, à La Chapelle de l’Humanité créée par Auguste Comte (5 rue Payenne, Paris), nous inviterons Giorgia Aiello (professeure à l’université statale de Milan) et Alexei Grinbaum (professeur à Paris Saclay). Cette séance sera dédiée au « Culte de l’IA et ses icones ».
Le 14 octobre de 9h30 à 12h30, à la Maison de la Recherche de Sorbonne Nouvelle (4 Rue des Irlandais, Paris) une séance, intitulée « Positivity ! », abordera les liens entre images de stock et l’idéologie du bonheur. L’anthropologue Nathalie Luca explorera l’idéologie du bonheur dans l’un de ses points d’incubation: au cœur des sectes, où la croyance se matérialise en visages souriants et en extase codifiée. L’architecte d’intérieur Lise Moutard évoquera les images de pelouses impeccables, et de fenêtres ouvrant sur un avenir idéalisé, produites par les promoteurs de maisons individuelles en France. Les artistes Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon rendront compte de leur projet filmique sur l’automatisation du sourire, s’aventurant dans cette zone grise où le geste intime devient calcul, programme, répétition.
Séminaire organisé par
Stéphane Degoutin (Ensad)
Alberto Romele (Sorbonne Nouvelle)
Antonio Somaini (Sorbonne Nouvelle)
Gwenola Wagon (Paris 1)